Pu Luong, un joyau culturel, sylvestre et aquatique
Par Jean-Pierre Tailleur, voyageur, rédacteur, enseignant et essayiste franco-argentin
Un parc national peu fréquenté, à un peu plus de 150 kilomètres au sud-ouest de Hanoi, m’a vraiment impressionné, parmi les nombreuses destinations que j’ai pu visiter au Vietnam. Il s’agit de la réserve naturelle de Pu Luong, constituée de deux crêtes montagneuses parallèles, séparées par une vallée très agricole. Elle est joliment décorée – ce n’est pas une exagération ! – par de splendides champs de riz et bassins piscicoles irrigués à l’aide de norias. Ces somptueuses roues d’eau sont à certains endroits les seules constructions visibles, avec les passerelles en bois et bambou et les maisons sur pilotis parsemées sur les hauteurs.
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Les rizières en terrasse ou « horizontales » créent aussi toute une scénographie dont mes yeux se sont délectés. À trois ou quatre heures de route de la capitale, le tableau qu’elles offrent est d’une saisissante beauté géométrique, évoluant selon les saisons. Quand commence l’hiver par exemple, après les récoltes, elles forment des plans d’eau qui s’apparentent à des miroirs naturels, vus en surplomb. Elles se métamorphosent ensuite en tapis aux multiples nuances de vert ou de doré, selon les degrés de maturité des épis.
Un écrin de biodiversité
Pu Luong, c’est aussi une grande jungle millénaire assez étendue dans laquelle on pénètre facilement. Elle couvre des monts à perte de vue et constitue un havre de paix et de fraicheur à tout moment, hors des sentiers battus. On est à l’abri des trappes à touristes, au contact avec une population discrète et bienveillante, vaquant à ses occupations entre ruisseaux, maisons surélevées, bassins d’aquaculture, rizières et potagers. J’ai croisé aussi des habitants le long des sentiers, rapportant de la forêt la nourriture pour les animaux ou promenant un buffle sur une zone de pâturage.

Cet écosystème de montagnes karstiques s’apprécie au milieu de paysages aussi spectaculaires que rustiques. Je m’y suis « perdu » dans des petites vallées, clairières, et terres en altitude vierges ou cultivées. Elles sont séparées du monde extérieur et leurs mystères ne demandent qu’à être explorés petit à petit. Certains voyageurs ne disposant pas des trois semaines conseillées pour bien connaitre le Vietnam l’ont bien compris, en en choisissant Pu Luong parmi les nombreuses merveilles à visiter dans le pays en forme de S.
La réserve située dans la province de Thanh Hoa offre un condensé de ce qui fait le charme unique de ses montagnes du Nord, en effet, en échappant aux hordes touristiques et aux activités folkloriques compassées. L'œil toujours en éveil pour ne rien rater (et éventuellement faire des photos), on est dans l’authentique au contact avec des Thaïs blancs surtout. Les femmes de ce groupe ethnique, un des principaux de la région avec les Muongs, sont reconnaissables à la couleur du foulard qui couvre leur tête.

Ce joyau culturel et naturel - où le temps semble s’être arrêté – s’est révélé à moi en cheminant dans ses terres bucoliques et forestières non accessibles en véhicules à quatre roues. Un des rares aménagements perceptibles, ayant un peu bousculé les coutumes ancestrales, est la création de lieux de séjour chez l’habitant. Ces « homestay » existent en toute logique, car il n’y a pas d’hôtel à proprement parler.
Des rizières et des secrets révélés progressivement
Pu Luong signifie « le sommet le plus haut du village » dans le dialecte des Thaïs, en référence au mont qui y culmine à 1700 mètres, au nord-ouest de la réserve. Il se gravit en cinq heures de marche exigeante, mais amplement récompensée par la vue sur la vallée et la crête qui fait face.
Pour ma part, j’ai notamment traversé un ruisseau sur un petit pont de bois suspendu qui m’a marqué. Comme bien d’autres, parfois au-dessus de torrents, il ne supporte que les bicyclettes ou les motos ; rares et discrètes, elles ne nuisent pas à l’ambiance paisible et écologique du site. Les cascades en gradin et de toutes tailles d’un courant qui zigzague entre terres cultivées et habitations en bois m’ont également enchanté, tout comme les piscines naturelles, les bambouseraies. Sans oublier les imposantes ou discrètes maisons sur pilotis coiffées de chaumes rudimentaires, faites de feuilles de palmiers.

Pu Luong se visite à tout moment, mais il faut y passer au moins deux jours afin de l’explorer à pied ou en deux-roues. En février, la nouvelle saison de riz démarre avec les travaux des champs et le repiquage. Le vert fluo domine jusqu’au moment des premières récoltes, fin mai, quand jaunissent les terrasses. Le paysage s’anime avec les communautés qui s’activent dans leurs parcelles, entre les cours d’eau et norias. Cet assemblage est des plus relaxants pour les yeux… et les jambes après quelques heures de marche.
Certains préfèrent septembre-octobre au moment de la principale récolte, quand les champs offrent toutes les nuances du jaune au doré. Ce « paradis au milieu de la jungle » attire plus de visiteurs, le long des sentiers secs, propices aux longs treks. C’est moins le cas ensuite, en attendant les prochains semis au début de l’hiver, assez tempéré pour des Occidentaux ! On a alors droit à une splendide mosaïque de plans d’eau et on savoure autant la nature, bien qu’il fasse plus frisquet. Il faut juste faire attention de ne pas glisser sur les pentes parfois boueuses, ce que j’ai pu constater à mes dépends !

Une forêt vierge aux habitants plus ou moins "sauvages"
L’intérêt de Pu Luong est à la fois biologique, écologique, socio-économique et touristique. On a également le plaisir de croiser des femmes avec leur chapeau conique, s’occupant de leur champ, ou des enfants se baignant dans les ruisseaux ou au pied des cascades. Une marche permet de bien connaitre la jungle, en toute sécurité avec un guide local Thaï blanc par exemple, comme je l’ai fait. La végétation est dense et diverse, des arbres teck et bambous aux bananiers et palmiers de toute sorte, notamment les aréquiers signalés par mon autre accompagnateur, de Vietnam Découverte. Leur fruit, la noix d'arec, est utilisé pour produire le bétel, mastiqué par la population locale.

Le cadre donne lieu à tout type de curieuses et agréables découvertes, comme les jolies toiles d’araignées suspendues entre branches et feuilles, qui me sont apparues comme des œuvres d’art. De même, les fleurs multicolores notées ici ou là, ainsi que les papillons discrets comme la population locale. Certaines sensations m’ont ramené loin en arrière, dans le temps et l’espace, quand j’ai découvert certains monts boisés et reculés de la Patagonie andine.
La faune de Pu Luong est diverse, des poissons et mollusques d’eau douce aux oiseaux, chauve-souris, reptiles et même des jaguars. Ce biosystème unique est également connu pour ses cerfs, dont certains que j’ai pu observer dans une ferme. On les élève pour leurs bois aux vertus médicinales notamment, selon les croyances locales.

Un bijou aquatique dans la montagne et la végétation
Pu Luong est un festival idyllique de paysages bucoliques typiquement vietnamiens, avec ses montagnes calcaires découpées. Elles surplombent une vallée fluviale fertile de champs de riz et d’autres plantations comme le maïs, allant du vert au jaune lumineux. Depuis les pentes striées par des ruisseaux, entre les récoltes, cela m’a amusé de parfois avoir du mal à faire la distinction entre les bassins piscicoles et des rizières aux aspects d’étangs géométriques. Certaines de ces parcelles m’ont particulièrement intrigué avec leur couleur. Elles étaient couvertes d’un violet étincelant, en effet, formé par des lentilles d’eau, nourriture pour poissons dans les mares adjacentes.

Comme les passerelles parfois rudimentaires, faites de troncs de bambous et de planches de bois, les roues hydrauliques m’ont laissé d’autres souvenirs impérissables. Ces remarquables ouvrages artisanaux - aperçus au bord de champs rizicoles et de bassins d’aquaculture – contribuent beaucoup à l’esthétique unique du lieu, en effet. Ces norias sont caractéristiques de beaucoup de montagnes du Nord-Vietnam, issues ici du savoir-faire ancestral et du génie créatif des minorités ethniques Muong et Thaïs blancs. Elles permettent de submerger les champs, ce qui est nécessaire pour le type de riz qui y est cultivé. Elles servent aussi à élever l’eau des courants rocailleux vers les habitations de la vallée.
Des villages avec leurs maisons traditionnelles
La réserve abrite une vingtaine de hameaux rustiques et tranquilles, qui regroupent une ou quelques dizaines de foyers au maximum, vivant dans des maisons sur pilotis. Leurs toits sont faits de feuilles de palmiers empilées, et soutenus par des armatures de bambou.
Ces demeures traditionnelles sont sobres mais confortables et solides, protégeant contre le froid comme contre la faune sauvage. Leur conception - selon des techniques ancestrales encore pratiquées - a peu évolué depuis le XIXème siècle, si ce n’est qu’elles disposent de l’électricité (mais généralement pas encore de wifi !).

En me dirigeant vers mon « homestay », j’ai assisté au remplacement d’une toiture par des feuilles de palmier plus vertes et imperméables. Un habitant édifiait aussi une nouvelle armature, assis à cheval sur un tronc de bambou. Des « bois de rose » ont également retenu mon attention ; immergés plusieurs mois dans les rizières, ils sont mis à l’épreuve pour se solidifier avant d’être utilisés comme pilotis.
Le guide de Vietnam Découverte m’a raconté qu’il en est de même avec les futurs planchers de bambou, laissés sous le soleil et la pluie, le long des chemins. Mon accompagnateur originaire de Hanoi a satisfait ma curiosité en recueillant le témoignage de paysans croisés. Ce n’était parfois pas évident, même pour lui, car certains habitants de Pu Luong s’expriment surtout dans le dialecte propre à leur ethnie.
Une envie d'y retourner
J’aurais aimé poursuivre l’expérience avec plus de temps, notamment pour m’y baigner. Il parait que c’est même possible certains jours d’hiver, et très agréable à proximité des chutes où se forment des petits bassins. On peut également visiter le marché ethnique de Pho Doan, à l’entrée du parc national. Il se tient deux fois par semaine et donne lieu à des spectacles folkloriques de danses et musiques traditionnelles. On y échange surtout des tissus produits localement, des herbes et légumes forestières, et même des insectes.
Les raisons de prolonger ma découverte de Pu Luong, dans un futur que j’espère proche, sont multiples !
Jean-Pierre Tailleur
>>> En savoir plus sur la réserve naturelle Pu Luong
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