L'alcool, un patrimoine culturel du Vietnam
Si vous êtes un amateur de découvertes culinaires, il faut visiter le pays en forme de S pour ses spiritueux. Il vous émerveillera et vous surprendra sur ce plan aussi, même si vous n’êtes pas un spécialiste. Quels sont les alcools les plus emblématiques du Vietnam ? Comment on les produit et on les boit ? Cet article vous dévoile les secrets de l'alcool Vietnam !
1 - Alcool Vietnam, une composante essentielle de la vie locale
Les Vietnamiens sont par tradition des bons connaisseurs des boissons alcoolisées, sans nécessairement s’enivrer. Cela remonte à plusieurs siècles, et même à quatre millénaires depuis l’époque des premiers rois Hung. Leurs sujets ont alors appris à fabriquer de l'alcool à partir des grains de riz, dans un cadre rituel pour rendre hommage aux génies naturels ou aux ancêtres. A tel point que selon un dicton populaire, transmis de génération en génération, « sans alcool il n’y a pas de cérémonie » (“Vô tửu bất thành lễ") !
Il faut savoir que cette partie du monde est le berceau d’une civilisation rizicole très ancienne. Cette céréale, souvent associée à l’ensemble des pays asiatiques, y est par tradition considérée comme un joyau national, un véritable « cadeau du ciel ». Le liquide qui en est issu après distillation est par conséquent vénéré comme une boisson sacrée, mettant en lien les êtres humains et les dieux célestes.
Les Vietnamiens ont un si haut respect de cet alcool - et de quelques autres - qu’ils en ont fait un emblème de l'amitié. Pour preuve, avec un simple mot qui s’écrit « nhậu » dans leur langue, on exprime l’idée de « boire de la bière (ou de l'alcool de riz) avec des amis ». Des montagnes du Nord au delta du Mékong dans le sud, on peut « nhậu » où que ce soit, selon les envies. A l’intérieur d’un café-restaurant, dans une ville, comme dans un boui-boui au bord de la route, assis sur une chaise ou un tabouret en plastique. Si vous avez un séjour chez l'habitant lors de votre voyage au Vietnam, les locaux vous invitent amicalement à boire avec eux.
Le concept de « nhậu » s’applique au partage convivial de bons plats et de boissons désaltérantes avec des amis, plus qu’à la notion de « faire la fête ». L’acte de boire de l'alcool n’est généralement pas vu comme individuel car il suppose une activité à plusieurs. Du coup, lorsqu’on avale un verre dans un des établissements plus ou moins informels, fourmillant partout, c'est souvent avec des cris de ralliement ou d'encouragement. On entend « dzo… mot, hai, ba... dzo » par exemple, qui signifie « santé… un, deux, trois… santé ». Ensuite, toute l’assemblée s’exécute !
Dans un tel contexte, le Vietnam compte de nombreux types de boissons alcoolisées, et on y produit aussi du vin et de la bière. Cette dernière est très populaire partout dans le pays, mais elle est, comme le banh mi populaire, un héritage culinaire de la colonisation française. La liqueur distillée du riz, appelée « ruou gao », est bien plus locale et traditionnelle, ce qui en fait la boisson la plus appréciée. Elle se caractérise par sa forte teneur en alcool ainsi que sa saveur riche et aromatique. Alors, comment se prépare cette « ruou gao » après fermentation, et quel est la meilleure ?
2 - La fabrication traditionnelle de l'alcool vietnamien
Pour produire de l'alcool de riz (également appelé « vin de riz »), il faut dans un premier temps rincer les grains fraîchement récoltés, les cuire à la vapeur et les refroidir. On les stocke, ensuite, dans des pots en céramique pour permettre une fermentation naturelle. La levure, connue sous le nom de « men » en vietnamien, est un ingrédient clé pour la transformation magique du riz en bon alcool. On fait d’autres ajouts, différents selon les régions et les distillateurs, mais le « mélange » comprend toujours aussi des champignons et des bactéries. Ils aident à déterminer la qualité, le rendement et le goût de l'alcool obtenu.
Après plusieurs jours ou semaines, suivant la météo et le climat du lieu de production, le riz fermenté est distillé à l'aide d'équipements simples, que ce soient des pots et d’autres récipients ou un condenseur. Le liquide qui en résulte peut être consommé immédiatement, à moins de préférer poursuivre le processus sur une étape supplémentaire, avec de l'eau afin de baisser le dosage global. L’éventail de types d'alcool de riz que l’on peut obtenir est large, par conséquent, dépendant des méthodes et des ingrédients traditionnels employés. Les saveurs sont très variées, d’autant plus que dans certains cas, des herbes sont ajoutées. Certains font même mariner des serpents dans un pot d'alcool, à des fins médicinales comme on le verra plus loin.
3 - Les types d’alcool Vietnam
La langue du pays en forme de S dispose d’un mot, « rượu », pour désigner l'alcool de riz et les autres. Mais on leur donne un nom plus spécifique en fonction de la région, du type de grain utilisé et des ingrédients associés. Voici les quatre « rượu » les plus connus, que vous pourrez déguster lors de votre séjour dans cette partie de l’Extrême Orient.
- Alcool de riz
À tout seigneur tout honneur, nous commençons par le « rượu gạo ». Comme déjà indiqué, il provient de riz cuit et écrasé, fermenté avec de la levure et de l'eau. Dans les régions montagneuses au Nord du Vietnam, le riz est souvent remplacé par d’autres céréales, comme le maïs surtout, ou encore le sarrasin.
La province de Lao Cai, située à l’extrémité nord-ouest du pays, est un sanctuaire de cette variété délicieuse de « rượu gạo », fabriquée à partir de matières premières spécifiques locales. On peut citer l’alcool de San Lung, par exemple, qui est considéré comme l’un des meilleurs. Il tire son nom du village ethnique de la communauté des « Dzao Rouges », situé à 60 kilomètres de Sapa, la capitale touristique de cette partie du Vietnam. L'arôme et le goût du San Lung sont si forts que ses buveurs ont parfois la sensation que leur gorge et leur œsophage est en feu. Mais il n’y a pas à s’alarmer car il ne provoque ni maux de tête, ni vertiges, ni nausées.
L'alcool de maïs de Bac Ha est un autre incontournable des amateurs de spiritueux. Il faut se laisser tenter lors de la visite des marchés ethniques pittoresques de cette région également proche de Sapa. La plupart des familles y produisent leur propre liqueur de cette céréale, mais celle qui est fabriquée par les membres de l’ethnie H’Mong du village de Ban Pho est souvent la plus appréciée. Il s’agit d’un spiritueux fermenté à partir de grains de maïs jaunes, petits, fermes et nutritifs, plantés dans leurs champs en terrasses.
En mélangeant ladite céréale avec une levure spéciale, produite à partir de « hong my », un grain qui ressemble au millet, les H'Mong ont créé leur « vin » spécial de la région nord-ouest. Cet alcool de maïs leur permet de se protéger du froid de l'hiver, car ils vivent en altitude. La liqueur de Ban Pho, en particulier, a contribué à la préservation des valeurs culturelles traditionnelles caractéristiques de ce groupe ethnique.
- Ruou can
Le terme « rượu cần » se traduit littéralement par « alcool de riz à siroter avec une paille de bambou ». Il désigne une boisson brassée dans des bocaux en céramique et infusée avec des ingrédients tels que la citronnelle, le gingembre ou le miel, voire des herbes médicinales chinoises traditionnelles. On la déguste notamment parmi les minorités ethniques des Hauts Plateaux. Au nord du pays, il est possible de l'essayer dans les sites de Mai Chau, Pu Luong ou Nghia Lo, par exemple, où se trouvent des villages des communautés Thai et Muong. Le « ruou can » se consomme en petit groupe, à partir de jarres en céramique et à l'aide de grandes pailles en bambou. Il s’agit d’une expérience culturelle unique en soi !
- Alcool de serpent
Le troisième type d’alcool est le « rượu thuốc », traduction de « alcool aux herbes ». Il s'agit de riz infusé aussi, mais cette fois avec des herbes médicinales, des plantes spéciales ou des animaux, y compris des parties de grenouilles, de lézards, voire de serpents ou scorpions venimeux. De nombreuses traditions vietnamiennes croient en la force de certains venins, en effet, pour soigner des maux de dos comme le lumbago, des éruptions cutanées ou les rhumatismes.
Libre à vous de douter qu’un alcool à base de reptiles ou d’autres bestioles plus ou moins effrayantes présente un intérêt, reconnu scientifiquement, pour la santé humaine. Votre réaction est compréhensible, mais il faut savoir que des venins de serpent et de scorpions sont actuellement utilisés dans certains médicaments modernes. L’alcool de riz, qui les contient ou est distillé avec eux, ne présente pas de risques car leur poison est altéré par l’éthanol.
Le vrai danger se trouve dans l'alcool lui-même, si la distillation est mal effectuée. Cela peut être le cas avec des techniques de fabrication artisanale, sous la responsabilité de populations locales dont il faut s’assurer la compétence. Pour cela, si vous achetez un bocal d'alcool de serpent dans une boutique ayant pignon sur rue, ou recommandée par votre guide fiable, vous n’avez pas à vous inquiéter.
- Le vin de Dalat
Comme dans la plupart des autres pays asiatiques, le vin dont se régalent tant d’Occidentaux n'est pas une boisson très consommée au Vietnam. Beaucoup moins que l’alcool de riz ou la bière. Cependant, on en produit à Dalat (ou Da Lat), dans l’ancienne station de villégiature créée par les colons français. Grâce à son climat frais des Hauts Plateaux du Sud, cette terre des artichauts, des asperges et des fraises est également devenue le premier centre vinicole du pays.
Pour être précis, les raisins sont récoltés autour de la ville côtière de Phan Rang, la principale région viticole. Le littoral du sud abrite la plupart des terres de viticulture, en effet, selon des méthodes « bio ». Trois fois par an, les grappes cueillies sont chargées dans des camions et transportées sur un trajet de trois heures. Une fois arrivées à destination, à Da Lat, elles permettent de produire l'un des meilleurs vins de l’ancienne Indochine.
Conclusion
Alors, vous laisserez-vous tenter par ces alcools vietnamiens ? Avec modération, comme la plupart des habitants du pays. Que diriez-vous de prendre un verre avec des amis, dans une rue de Saigon ou un village du Nord ? Le « nhậu » est une des belles expériences à ne pas rater lors d’une découverte du Vietnam. Il vous permettra de nouer des liens avec une population accueillante, qu’il s’agisse de voisins de table ou de personnes rencontrées dans la rue. Vous noterez leur bienveillance et leur fierté à l’égard de leurs traditions, au point de vouloir les partager avec vous !
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